Publié par Bruno Humbeeck* le 11/03/2022

" C'est exactement cela une vraie récréation, un moment pendant lequel l'enfant est invité, non pas à se défouler, mais à se ressourcer en se livrant librement à des activités qui lui permettent de s'asseoir autour d'une table, de s'installer sur un banc, de lire un livre, de le raconter, de combiner des legos, de jouer au foot dans des vrais matches sans envahir toute la cour, de construire une tour ou de s'activer ensemble autour d'un module de jeu...

La cour de récré a longtemps été considérée comme le parent pauvre de l'histoire de la pédagogie sous prétexte qu'il n'y était question que de permettre aux enfants de "prendre l'air" dans un espace vide de toute stimulation. Même les arbres dans les cours de récré étaient des arbres isolés pour qu'on ne puisse pas s'y cacher et à branches hautes pour qu'il ne vienne à aucun enfant l'idée d'y grimper.

C'est comme cela qu'on s'est rendu compte, en observant plus attentivement ce qui se passait sur les cours de récré qu'un enfant qui s'ennuyait devenait vite, faute d'occupations, un enfant qui se mettait à ennuyer les autres. On a aussi constaté que, faute de jeux mis à leur disposition, les élèves avaient tendance à mettre en scène entre eux des jeux de pouvoir parfois épouvantables. Et c'est comme cela que la cour de récréation s'est imposée comme le haut-lieu du harcèlement scolaire.

Laura Wandel, la réalisatrice belge, a magnifiquement mis en scène tout cela dans son film "Un monde" (disponible sur Auvio)... Et puis il a été question, en pédagogie, de rêver d'un autre monde. Et c'est comme cela que sont nées ces cours de récréation "nouvelle génération" au sein desquelles la stimulation et les jeux deviennent possibles parce que les zones ont été préalablement régulées en trois :

• une zone où l'on peut courir avec ballon,
• une zone où l'on peut courir mais sans ballon,
• une troisième zone, la zone plus calme sur laquelle on ne peut ni courir ni jouer au ballon pour que toute les activités ludiques puissent s'y développer en toute tranquillité.

Photos Br. Humbeeck

Et voilà comment une cour régulée devient en deux temps trois mouvements une cour de récréation stimulée et comment une cour de récréation stimulée de façon appropriée se métamorphose illico presto en cour de récré apaisée dans laquelle les petites filles et les petits garçons trouvent également et équitablement leur place parce que la cour n'est plus le domaine privilégié des uns (les petits garçons) par rapport aux autres (les petites filles) comme on le voyait quand, sur une cour de récré "ancienne génération", 80% du territoire était naturellement occupé par 20% de la population d'élèves, les petits footballeurs, qui en jouant de façon anarchique aux quatre coins et surtout au centre de la cour de récré, prenaient, sans parfois s'en rendre compte toute la place en rejetant les petites filles à la périphérie de la cour.   

Et quand on voit ce que donnent ces cours de récréation régulées, stimulées, apaisées et non genrées comme on la voit se mettre en place à l'école de la Roê, on se dit que c'est vraiment joli un monde dans lequel chacun peut trouver sa place sans avoir à la gagner au détriment de qui que ce soit... Et on se dit alors qu'on a bien fait, un jour, de rêver à autre monde parce que les rêves, parfois, prennent et deviennent des réalisations concrètes qui rendent les enfants heureux... " 

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* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons. Retrouvez ces publications sur son site : www.outilsderesilience.eu