Soutien scolaire

Par Bruno HUMBEECK*


    Il y a deux phrases en pédagogie que l’on doit, selon moi, toujours conserver soigneusement dans un coin de sa tête. Elles n’ont été dites ni par un philosophe, ni par un psychologue ni par un pédagogue. Elles sont l’œuvre de Gad Elmaleh. 

    Voilà qui donne sans doute à ceux qui s’évertuent à écrire sérieusement une belle leçon de modestie. Les gens de talent, peu importe qu’ils nous parlent pour nous faire rire ou pour nous émouvoir d’une autre façon, parviennent souvent mieux à nous édifier parce qu’ils empruntent la porte de service pour entrer dans le monde de nos idées là où les littérateurs pédagogiques qui, comme moi, écrivent pour expliquer, montrer ou démontrer, s’acharnent à pénétrer dans les esprits en prenant banalement et de façon bien trop prévisible la porte cochère.

    La première phrase empruntée à Gad Elmaleh, il l’a prononcée dans une interview parce qu’il voulait transmettre l’idée que les enfants qui, comme lui, décrochaient à l’école, n’étaient ni des bons à rien ni des mauvais en tout. Il cite alors un des ses professeurs qui, au début de l’année scolaire l’a profondément ému en s’adressant à toute la classe :

« Vous n’êtes pas là pour avoir des bonnes notes. Enfin, c’est pas le but. C’est la conséquence. Une bonne note c’est en fait l’addition des efforts que vous ferez pour en avoir et de ceux que nous ferons, nous aussi, pour que vous puissiez y accéder... »

    Des notes envisagées comme le produit d’une addition que l’on réalise ensemble et pas uniquement comme le résultat d’une soustraction que l’adulte réalise seul, de son côté, pour coter l’effort solitaire de l’élève en retranchant un point chaque fois que celui-ci s’écarte de l’excellence ou démontre qu’il n’est pas en mesure de l’atteindre. C’est là, en somme, toute la différence entre la note qui amoindrit et qui parfois, à force de retraits, rapproche l’enfant du zéro en lui donnant l’impression tenace d’être nul ou à peu près nul et la note qui fait grandir pare qu’elle est, en toute circonstance, considérée comme la somme de l’effort commun réalisé par deux êtres humains, l’un pour comprendre et l’autre pour se faire comprendre.

    Avec la phrase de Gad Elmaleh, l’apprentissage n’est plus envisagé comme le résultat d’une imposition mais comme le fruit d’une rencontre, celle de deux personnes qui cherchent à s’harmoniser l’une à l’autre autour de connaissances qui doivent finir par devenir communes.

    C’est exactement cela, apprendre. Et c’est en cela que ce mot est magique parce qu’il contient une double signification, celle qui définit l’action de celui qui cherche à savoir et celle qui décrit l’acte de celui qui enseigne pour faire savoir.

    La seconde phrase que je retiens de Gad Elmaleh appartient plus directement à son patrimoine humoristique. Il faut évidemment l’entendre au second degré quand il prétend que « parler avec une enfant, c’est un peu comme parler avec un type bourré. On ne comprend rien ou pas grand chose à ce qu’il dit et lui, ne comprend rien ou pas grand chose non plus à ce qu’on essaye de lui dire. »

    La formule, évidemment grossie par la fonction humoristique du propos, illustre magnifiquement et de façon lapidaire un principe que Piaget et, à sa suite, les néo-piagétiens, ont mis des tonnes de livres à développer qui explique que la structure mentale de l’enfant et son raisonnement logique ne correspondent pas à celui de l’adulte et que l’acte d’enseigner suppose dés lors un savoir-faire que les enseignants mettent des années à apprendre à maitriser.

    La notion d’apprentissage définie comme la recherche lucide et consciente d’une rencontre à travers laquelle chacun fait une part de chemin vers l’autre, voilà la leçon que l’on prend en écoutant un humoriste qui met tout son sens de l’observation et toute sa sensibilité au service de son humanité en embrassant de deux saillies tout le champ de la pédagogie différenciée, de la pédagogie de maitrise et de la remédiation...

    Tout apprentissage est un cheminement que chacun fait à la rencontre d’un autre que lui-même...

    Il fallait bien sans doute être un humoriste de génie pour éclairer cette petite route qui illustre en peu de mots ce que signifie vraiment faire de la pédagogie quand il est question non pas de tirer quelqu’un pour qu’il avance ou de le pousser pour qu’il progresse mais d’aller à sa rencontre en faisant chacun son bout de chemin...



* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons. 


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