Soutien scolaire

"Quand va-t-on avoir le temps de faire des interros?"

Par Les CEMéA dans chronique "Et si l'école...", décembre 2023

La nouvelle réforme des rythmes scolaires, d’application depuis l’année dernière, après plus de vingt ans de tergiversations, réinterroge l’année scolaire dans sa répartition. Elle questionne aussi l’organisation des évaluations cotées, plus souvent appelées contrôles ou interrogations. En effet, le décret du 31 mars 20221 stipule qu’aucune évaluation sommative, c’est-à-dire qui visent à faire le bilan des apprentissages et qui interviennent dans la comptabilité des résultats annuels d’un·e élève, ne peut être planifiée la semaine suivant les congés. Une manière de protéger les vacances: elles ont la possibilité d’être de vrais temps de pause en évitant qu’elles se transforment en période de blocus2. Mais alors, quand placer ces fameuses évaluations? Impossible d’interroger en début d’année car la matière n’est pas encore vue. Pas non plus pendant les périodes de révisions avant les examens. Et maintenant plus à la reprise après les «petites» vacances! L’exercice semble compliqué...

Rappelons-nous que ce qui a guidé le choix de la refonte du calendrier scolaire est le bien-être des enfants et des adolescent·es. L’initiative et son intentionsont particulièrement louables: partir des jeunes, de leurs besoins, de leur rythme, pour repenser le système. Bref les considérer au centre de l’institution. Il était temps! Toutefois, si la réforme souhaite atteindre ses différents buts, d’autres éléments doivent être modifiés ou initiés. Sinon les transformations visées seront des «variatiounettes» de ce qui existe déjà et entraîneront des dérives (parfois déjà à l’œuvre) pour les enseignant·es et pour les élèves. Elles et ils se sentiront encore plus sous pression du temps, de la matière, des attendus. Les élèves seront interrogé·es la semaine après celle de la reprise ou celle avant les vacances. Le problème est juste déplacé. Pour être cohérent·e avec la réforme, il faut pousser un peu plus loin les changements: se pencher sur l’organisation globale des années scolaires et oser révolutionner notre regard et nos pratiques d’évaluation.

L’allongement des périodes de vacances a des répercussions directes sur le déroulement de l’année scolaire. Cela demande donc de repenser la globalité du calendrier, en ce compris, les moments d’évaluation et de transition. Voire, carrément, du rythme journalier des enfants et des ados. Les temps d’apprentissages, mais aussi les temps de pauses, sont maintenant mieux répartis sur l’année (environ 7 semaines de cours contre 2 de congés), ce qui permet de repenser «la matière» autrement. Or cette matière est plus souvent augmentée que supprimée dans les programmes. Si elle ne fait qu’accroître, alors autant organiser son découpage en fonction des nouveaux rythmes et au regard du tronc commun avec des paliers fixés sur plusieurs années. 

Si on fait le total du temps consacré à l’évaluation sur l’ensemble d’une scolarité (tests hebdomadaires, bilans mensuels, examens (bi)annuels + semaines de révisions et jours blancs), on obtient deux années entières. Que de temps perdu et de pression dès la maternelle! Et pour tout le monde: les enfants, les parents et les enseignant·es qui doivent créer, faire passer et corriger. Dans quel but? Comprendre où en sont les élèves dans leurs apprentissages? Pas si sûr, puisque la plupart du temps, les profs le savent avant même de faire passer les évaluations. Aider l’enfant à se situer par rapport à ses apprentissages? Ça pourrait fonctionner à condition que l’enfant puisse s’auto-évaluer régulièrement et que cette auto-évaluation pèse dans l’évaluation globale. Toutefois si, c’est juste une évaluation à un instant T, elle n’est pas nécessairement représentative des connaissances ou compétences de l’enfant. Des facteurs, comme le stress ou la peur de l’échec, peuvent la biaiser. Pour quoi alors? Pour informer les parents? Mais le parent, il a besoin de savoir où en est son enfant et d’être rassuré sur le fait que l’école prend soin de lui et qu’elle pourra le mener vers un futur «réussi». Recevoir des évaluations brutes ou un bulletin tous les 3 mois ne remplit, de toute façon, pas ce besoin. Parce qu’il y a une certaine injonction institutionnelle et une forme de perpétuation d’habitudes? C’est un peu court comme raison, d’un point de vue pédagogique...


Dans l’inconscient collectif, l’évaluation est souvent assimilée  aux interros cotées. Pourtant si une interro est une évaluation, toutes les évaluations ne sont pas des interros. Il en existe d’autres prenant des formes diverses et variées: l’observation, l’auto-évaluation, les carnets de progressions, les portfolios, le chef d’œuvre pédagogique… pour ne citer que celles-là. Une autre possibilité serait de faire confiance à l’élève et d’accepter que tou·te·s ne fassent pas la même chose au même moment. Pour les évaluations également: elles pourraient être faites quand on est prêt·e, chacun-e à son rythme, et être différentes d’un·e élève à l’autre. Ainsi, elles seraient un moyen pour l’enfant ou le jeune de développer son autonomie, de savoir comment il se situe par rapport à son travail, à ses acquis, à ses difficultés, à son évolution… Son travail, ses apprentissages feraient sens. Le tout, en évitant de mettre des points, qui au final, disent peu de choses dans un bulletin. On peut faire un parallèle entre la température mesurée par le thermomètre et celle ressentie… L’important est bien dans le ressenti!

Profitons des nouvelles réformes pour questionner nos pratiques et aller jusqu’au bout de la réflexion. L’idée n’est pas de faire les mêmes choses dans une autre temporalité, mais d’envisager les bénéfices et les objectifs poursuivis, à savoir le respect du rythme de l’enfant, son bien-être et ses apprentissages. Arrêtons d’évaluer pour nous rassurer nous, les adultes. Cependant, soyons quand même doux et douces avec nous-mêmes. L’être humain n’est pas une machine. Si l’heure du changement a sonné, tout ne doit pas évoluer d’un seul coup. Le principal est d’en prendre conscience et de faire sa part, un pas à la fois. Nous démarrons seulement la 2e année de ce nouveau rythme scolaire, il est bon, aussi, de donner du temps pour expérimenter, vivre et faire vivre de nouvelles pratiques.

Chronique Ecole, décembre 2023, CEMéA

  1.  Décret relatif à l’adaptation des rythmes scolaires annuels dans l’enseignement fondamental et secondaire ordinaire, spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale et aux mesures d’accompagnement pour l’accueil temps libre.
  2.  In https ://www.sudinfo.be/id574274/article/2022-11-15/nouveau-calendrier-scolaire-caroline-desir-rappelle-que-les-ecoles-ne-pouvaient, 15 novembre 2022.

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